Conflit nucléaire : cinq minutes pour comprendre la polémique sur les stocks d’iode

Alors qu’il avait donné un nombre de comprimés en stock il y a quelques mois, Olivier Véran ne souhaite plus avancer de chiffre, indiquant que cette information est « classifiée ».

Les pastilles d'iodure de potassium sont distribuées aux habitants résidant à côté de centrales nucléaires pour qu'ils les ingèrent en cas d’accident, afin de protéger la thyroïde. Elles connaissent un regain d’intérêt depuis plusieurs semaines, en raison de la guerre en Ukraine. LP/Olivier Arandel
Les pastilles d'iodure de potassium sont distribuées aux habitants résidant à côté de centrales nucléaires pour qu'ils les ingèrent en cas d’accident, afin de protéger la thyroïde. Elles connaissent un regain d’intérêt depuis plusieurs semaines, en raison de la guerre en Ukraine. LP/Olivier Arandel

    « Cela rappelle l’histoire des masques ! » Ce genre de commentaire fleurit sur les réseaux sociaux depuis qu’Olivier Véran a refusé d’indiquer, dimanche dans une interview au Parisien, quels étaient les stocks précis d’iodure de potassium (ou iode stable). Or, il avait communiqué un nombre par le passé.

    Ces comprimés sont utilisés en cas d’accident nucléaire, afin de protéger la thyroïde. Ils connaissent un regain d’intérêt depuis plusieurs semaines, en raison de la guerre en Ukraine et du risque d’accident dans une centrale. Ils n’ont cependant aucun intérêt s’ils sont avalés en prévention, et les médecins se veulent rassurants. On fait le point.

    D’où vient la polémique ?

    D’une interview accordée par le ministre de la Santé au Parisien et publiée ce dimanche. À la question « Pourquoi ne donnez-vous pas l’état des stocks d’iode ? », Olivier Véran répond qu’il s’agit d’une « donnée classifiée, car liée à des questions de conflits ». « Mais je peux vous dire les yeux dans les yeux que nous avons assez d’iode pour couvrir tous les besoins de la population si c’était nécessaire », ajoute-t-il.

    Ce même Olivier Véran avait pourtant été plus bavard il y a quelques mois. Dans une réponse écrite adressée au député François-Michel Lambert (Libertés et territoires) et publiée le 23 novembre dernier, il écrivait ceci : « Les stocks stratégiques visent à avoir 130 millions de comprimés d’iodure de potassium : à la date du 29 juin 2020, le stock de comprimés d’iode stable s’établissait à environ 95,7 millions de comprimés. » Dès dimanche soir, l’élu avait publié sur Twitter une capture d’écran de cette réponse.

    S’agit-il vraiment d’une « information classifiée » ?

    Interrogé, l’entourage d’Olivier Véran insiste sur le fait que cette information des stocks d’iode, « stratégique », est bel et bien « classifiée » et qu’elle ne peut pas être communiquée. Olivier Véran ayant évoqué fin 2021 un nombre datant du juin 2020, soit plus d’un an plus tôt, cette interdiction aurait été levée.

    On ne sait pas précisément ce que recouvre cette expression « information classifiée », mais elle évoque les informations classées « secret-défense ». Deux niveaux existent, depuis une réforme entrée en vigueur en juillet 2021 : « secret » et « très secret ».

    « Je n’ai pas de pouvoir particulier, et si c’est classifié, Olivier Véran n’aurait pas pu me répondre de telles informations. Il n’y a pas de raison que ce soit classifié, on ne parle pas non plus de missile nucléaire », tonne de son côté François-Michel Lambert. Lorsqu’il était maire, son collègue député Olivier Becht a plusieurs fois fait le point avec ses services municipaux sur les stocks d’iode disponibles sur son territoire. « Personne ne m’a jamais opposé la classification de l’information », indique-t-il.

    Les sites où sont stockés les comprimés d’iode, eux, semblent incontestablement classés secret-défense. « Dans le système antérieur, les communes détenaient des stocks, aujourd’hui périmés. Désormais, un stock par zone sera conservé dans un lieu central classé confidentiel défense, permettant une distribution à toute la population dans un délai de 12 heures », indiquait en 2011 Pascal Forcioli, directeur général adjoint de l’Agence régionale de santé du Nord-Pas-de-Calais, auditionné par des députés.

    D’autres chiffres sont-ils publics ?

    Oui… mais pas récemment. Outre ce nombre de 95,7 millions de comprimés au 29 juin 2020 au niveau national, plusieurs préfectures ont déjà dévoilé les stocks à leur disposition. Un document de la préfecture de la Vienne, daté d’août 2019, fait état d’un « stock départemental de 400 000 comprimés d’iode, soit 200 cartons, entreposé chez un grossiste répartiteur ».



    Quelques mois plus tôt, un rapport de la préfecture de l’Ain mentionnait un premier stock de « 600 000 comprimés d’iodure de potassium stable chez le grossiste répartiteur ». « Un deuxième stock de 500 000 autres comprimés est détenu au niveau de la zone de défense Sud-Est et sera livré au grossiste répartiteur sous douze heures après le départ du stock initial », est-il aussi indiqué.

    Sans se prononcer sur un nombre de comprimés disponibles, l’entourage d’Olivier Véran assure que « les stocks sont suffisants » pour faire face et couvrir la population si la situation le nécessitait, laissant entendre qu’ils ont été renforcés ces derniers mois.